PARQUE TORRES DEL PAINE : LE TOUR DE LA PEINE - 17/01 - 22/01/2009

Publié le par matthias

 

Sao Paulo – Santiago – Punta Arenas : je quitte donc le Brésil pour le très lointain Chili , Terres du Bout du Monde ( vu de France) . Et je remets des chaussures fermées .

0H01 à Santiago le 17 janvier , on me propose de prendre le vol de 2 H 30 du mat au lieu de celui de 6 H : je m'embrouille un peu avec l'hôtesse dans un anglo-portugais des plus fumeux, ne me rappelant nada des quelques mots de l'espagnol de survie appris lors de mon court passage, il y a deux mois, en Argentine . Je me suis à fond brésilianisé entre temps : pousse levé à tout bout de champs pour signifier « ok , ça va , à bientôt , j'ai compris , salut » ; des « Ta bom ! » à la pelle pour ponctuer mes fins de phrases !!!

Vol nocturne fastueux , la réputation de Lan Chile , la compagnie nationale , n'étant pas usurpée : personnel charmant ( c'est pas les vieilles croutonnes d'Iberia), larges sièges, écrans tactiles pour chacun , et entre un classement intensif de mes dernières photos du cher Brésil , je regarde en accéléré (!?!) Fight Club de David Fincher avec Brad Pitt et Ed Norton pour voir à quoi ça ressemble , mais promis , foi de cinéphile , je le regarderai normalement à mon retour .

Mais ça c'était avant le Drame ...


Le Chili : j'ai quelques images et idées en tête , mais qui restent certainement succintes, le pays étant tout de même grand comme une fois et demi la France et surtout long de 4300 km que je vais en très grande partie traverser et survoler . Les photos du dernier voyage d'Alexia au Nord Chili, dont le papa est chilien , y sont certainement pour beaucoup , dans le choix de cette étape d'un mois dans mon voyage . Et puis c'est la porte d'entrée à la mythique Ile de Pâques , l'une des pierres angulaires de mon voyage ( la porte de sortie étant ensuite la Polynésie …) .

Arrivé au petit matin austral, un peu dans le cirage, à Puntas Arenas . La ville fut seulement fondée à la fin du 19ème le long du détroit de Magellan .

Magellan : c'est dingue, quand même, d'être allé si loin au Sud , à son époque et avec ces embarcations, croisant cette mer extrêmement dangereuse, pour trouver un passage pour les Indes . Ca me fait quelque chose d'être là à regarder le détroit , qui est en fait très très large .

De plus ce sentiment est accentué pas le fait qu'ici, en Patagonie Chilienne, les colons ne sont présents que depuis 4 ou 5 générations seulement. C'est donc un pays tout neuf, dans son aspect « occidental » , les indiens l'occupant depuis des siècles .

Peu d'activités encore dans la ville, le vent est froid et piquant et mon bronzage made in Brasil me gratte un peu ! La presse locale me paraît moins palpitante qu'à Rio, le El Pinguino du jour relatant tout de même en couverture un sauvetage en mer .

Mauvaise surprise , les bus pour Puerto Natales , là où je dois retrouver Edwige et Séverine , à 3 heures plus au Nord , sont tous complets jusqu'à 14 H . Je patiente donc en me baladant en ville .

Mais ça c'était avant le Drame ...


Je m'acclimate très rapidement à mon changement de pays et celui-ci commence à me plaire beaucoup : il y a des indiens partout ! Ca va faire marrer, François , de Rio , que je dise cela , car déjà là-bas je disais en voir beaucoup ! Mais ici c'est vrai de vrai : les 16 millions de chiliens sont métissés aux deux tiers indiens . Explication simple : dès le départ, la Couronne Espagnole n'a autorisé que les hommes à venir coloniser, et ils n'ont pas dû rester longtemps insensibles aux doux yeux en amandes des belles indiennes.

Les commerces commencent à ouvrir : beaucoup de jeunes et d'ados dans les rues maintenant, style plutôt hip-hop avec les cheveux très longs pour tous , filles et gars ! Ce n'est même plus la coupe argentine ici , mais la «Joe l'Indien Style ». Ca tchache un max le long des trottoirs commerçants entre les différents petits groupes .

Mais ça c'était avant le Drame ...

J'arrive en fin d'après-midi à Puerto Natales , petit port au bord du Fjord dit de « l'ultime espérance » : et c'est vrai que l'on ressent bien ce côté ultime frontière avec ces vies extrêmes, remplies d'espoirs et de malheurs, tant le climat paraît difficile. De même pour l'urbanisme de ces villes . Cela ressemble un peu à la Sibérie Orientale, au délà d'Irkoursk : des maisons de bois et de tolles avec petit jardins clos de barrières, trapues et peintes avec des couleurs pimpantes.

Je rencontre Edwige et Séverine par hasard près de notre pension, la Casa Cecilia , rua Thomas Rager – heu, non, Tomas Rogers - , qui nous a organisé notre trek de 3 jours au Parc Torres Del Paine, et me loue sac de couchage et cape de pluie dont je ne me suis pas inutilement chargé lors de mon départ , ce passage en Patagonie devant être la partie la plus froide et pluvieuse de mon voyage , qui ressemble plus à un Tour du Monde des Plages ...

Le lendemain matin , départ : damart, collant , pull , polaire : je suis près pour l'Antarctique ! Sauf qu'après quelques centaines de mètres je commence à crever de chaud : en fait, il fait très doux , avec un vent chaud .

Mais ça c'était avant le Drame !


Le temps est hyper variable : au milieu d'un décor grandiose de sommets enneigés, de lacs bleues laiteux , d'arbres aux branches et troncs rabougries possédant quelques feuilles persistantes, de glaciers géants , de torrents grondants, on passe continuellement en quelque minutes de rayons de soleil à une pluie fine ou plus soutenue .

Mais ça c'était avant le Drame ...


En soit le trek n'est pas difficile il n'y a pas de grand dénivelé dans le « W », le célèbre parcours que l'on a choisi de faire , c'est plutôt le climat qui peut le rendre horrible : tempête de vent et de pluie , température glacial … Mais ce n'est pas non plus notre cas, heureusement . Nous, c'est donc mitigé !

Edwige trace . Séverine et moi , on suit , jusqu'au Drame !!!!

A quelques centaines de mètres de notre refuge Los Cuernos, et après 4 heures de marche, Séverine nous appelle en arrière : elle est par terre et vient d'entendre sa cheville faire « crack !» …

Docteur Edwige , qui nous raconte s'être à peu près foulé l'ensemble des membres , prodigue à Sev les premiers conseils : « allez hop , cela ne semble pas cassé , puisque tu peux encore marcher ! Donc tant que c'est chaud on file au refuge pour trouver des secours ! » .

Sèv récupère un gourdin - dans les 3 kilos - lui servant de bâton de marche et on arrive , pratiquement à la nuit, au refuge, au pas clopant .


Le refuge ressemble à un repère de routards-randonneurs du monde entier , saupoudré de jeunes chiliens longs chevelus . Le responsable paraît assez désinvolte sur notre cas : avec les coupures multiples d'électricité , il ne peut appeler pour l'instant les secours qui consistent en un cheval transportant notre blessée jusqu'au prochain refuge où l'on retrouve le bitume : pour l'instant nous sommes vraiment dans un trou paumé . Il nous explique que si l'accident est très grave , "ce qui n'est évidemment pas notre cas" , quatre hommes transportent le blessé sur une civière pendant les 4 heures de marche …

Les bruits durant la nuit me stresse un max : le vent hurle et siffle à travers les planches du refuge , les rafales font bouger les murs , dehors il semble que des millions de m3 d'eau tombent du ciel .

Au matin , on nous annonce qu'il n'y a plus du tout d'électricité et donc que , sans cheval , on doit avancer jusqu'au prochain refuge à 2 heures en temps normal d'ici , et qu'avant on doit traverser une rivière avec un cable et de l'eau jusqu'au ventre !!! Séquence Frisson !!!

Sév, qui a dû lire tout Confucius et Lao Tseu durant la nuit , reste zen et courageuse , et , avec un second baton de bois , alors que la pluie a miraculeusement cessé, commence le trajet en boitant et en ne regardant que ses pieds tout du long . Moi je porte son sac en plus du mien et Edwige lui explique les obstacles à venir ( cailloux glissants , pierres coupantes , plaques de boues , dénivellés, …) . On arrive comme cela , en deux fois plus de temps, soit 2 heures au lieu d'une , en approche de la rivière à traverser .

Mais c'est alors que l'on commence à croiser des petits groupes qui nous expliquent qu'à cause des vents chauds de la veille – qui étaient exceptionnels donc – et de la pluie de la nuit – là normale...- les glaciers des sommets ont commencé à fondre et la rivière grossit de minutes en minutes . Résultat, même les guides chiliens les plus chevronnés ne sont pas arrivés à passer , et des chevaux ont failli être emportés. Notre espoir fond aussi rapidement !

Conseil de guerre : il n'y a qu'un plan A , pas de plan B ! C'est le retour au point de départ … Le « W » se transforme en un « I » aller/retour , mais au double du temps prévu !!!

On anticipe la foule restée bloquée à la rivière, qui nous doublera facilement dans quelques temps à cause de notre vitesse , et Edwige part en éclaireur faire la résa au refuge de la veille pour booker la nuit , afin qu'en plus on ne dorme pas dehors .

Là-bas , il y a maintenant des bourrasques de vent qui montent périodiquement du lac tout proche et transporte avec elles  un peu d'eau . A l'extérieur , ça nous fait maintenant marrer, Edwige et moi , d'être secoués comme cela , limite pouvoir à s'envoler .


Avec la galère pour tous , c'est toujours la chaude ambiance au refuge , sans électricité mais avec générateur d'appoint . Les filles ne sont pas insensibles aux charmes d'un jeune GI Joe from USA avec T-Shirt afghan et cicatrices, ni à celui de Javier , le jeune guide chilien , qui donne ses conseils à Séverine en lui disant de ne plus marcher … Conseil renouvelé par un médecin australien . Mais pas d'autres choix que d'avancer pourtant , dès le lendemain matin, vers notre lieu de départ .

Nous avons un peu plus de 9 heures pour rejoindre le départ du bateau depuis l'embarcadère . Soit plus du double du temps normalement prévu pour la distance . Sauf que maintenant le chemin est complètement inondé et l'on patauge , voir s'enfonce, allègrement dans la tourbe boueuse .

Mais il fait soleil , et ça change pas mal les choses .

Apitoyée par Séverine , Iris, une sympathique Vénézulienne de NY , nous prête en cours de route ses bâtons de pro . Séverine lui refile en échange ses gourdins !

Après un départ laborieux , et alors qu'après déjà plus de trois heures de marches , on croise un guide qui nous explique que nous en sommes encore à plusieurs heures avec notre rythme , le doute s'installe sur notre possibilité de rejoindre à temps le bateau et d'éviter de rester coincé une nuit de plus dans le Parc .

C'est alors que Séverine – qui ne se plaint jamais et aura passé son trek à regarder ses pieds – met le turbo : basta ! la cheville, il faut arriver à temps ! On trace ! Et miracle on arrive un peu plus d'une heure en avance , lessivés , mais heureux . Et la cheville ne s'est pas cassée !

Le lendemain , départ très matinal et précipité pour les filles qui avaient déjà programmé un retour par bus en Argentine pour El Calafate : la cheville attendra donc un médecin argentin . Moi je pars en excursion-pépère , compte tenu des 3 derniers jours : temps magnifique , bateau à touristes pour observer les glaciers le long de la rivière Serrano , puis tour en zodiac avec points de vue époustouflants sur les montagnes du parc Torres del Paine et du parc O'Higgins, à travers d'une sorte de mangrove d'arbres pétrifiés .


Le 22 janvier , vol pour Santiago où Gwen me rejoint pour les trois prochaines semaines au Chili, avec au programme : la capitale , le port mythique de Valparaiso, la région balnéaire de la Serena , le désert de l'Atacama au Nord , et enfin l'Ile de Pâques !

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B
2 filles, un gourdin..... ouhaaaa
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N
merci Matthias pour le recit. Maintenant Francois est tout vert ... merci....
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